dimanche 23 mars 2014

Canada (21-06-2010)

Discours du Ministre Dr. Selim el Sayegh au Canada
L’inauguration de cette belle statue en mémoire de l’anniversaire des 125 ans d’émigration libanaise au Canada est une fête à l’honneur de la mémoire et un hymne en hommage à l’espérance. Cette statue convoque l’histoire et interpelle l’avenir, elle cristallise la tradition et provoque la modernité. Elancée ainsi vers le ciel, elle montre cette tension permanente animée par l’aspiration à réinventer tous les jours un devenir meilleur, unissant le mieux du Canada et le mieux du Liban.
Le passé fut sans doute jalonné par cette volonté d’être soi-même certes, mais pleinement, comme cette  recherche perpétuelle à être autrement. Le « soi-même » libanais nous pousse à nous poser la grande question : « pourquoi ? ». Pourquoi le Libanais devait-il partir à la recherche de soi-même. Etre ailleurs ainsi pour retrouver le « chez soi » ? Voici donc que le passé devient autrement d’actualité, et c’est maintenant du coup que nos ancêtres deviennent plus proches de nous.
Est-ce l’économie ? Quelle forme de misère pouvait donc pousser le Libanais à quitter son pays plusieurs bibliques, cité par sa légendaire  beauté et sa terre de miel et de lait, terre de vertus suprêmes, comme terre de commerce et d’ouverture ?
Est-ce l’insécurité ? Quelle intensité pouvait avoir cette peur pour hanter les cœurs autrement connus par leur infaillible courage, comme en témoignent Tyr devant Alexandre le Grand, Sidon devant ses envahisseurs, Beyrouth occupée mais jamais domptée, Kadisha vallée mille fois sainte habitée par d’irréductibles montagnards, ou encore depuis 1975 où chaque village du Sud au Nord a écrit une épopée au nom de ses martyrs face à toutes les formes d’oppression en commençant par l’occupation militaire et en finissant par le terrorisme intellectuel et politique ?
Est-ce l’ignorance ? Mais comment se fait-il que ce peuple pétri de foi et de science, donneur de civilisation, inventeur d’alphabet, créateur de savoir,  fut ainsi amené à rechercher ailleurs ce qu’il produisait déjà depuis des millénaires ?
Ces raisons et sans doute bien d’autres, ont nourri cette volonté de nos ancêtres de prendre le large. Mais aucune ne peut être déterminante toute seule. Même toutes ces raisons combinées, la quête du savoir, l’insécurité ou la misère ne sont suffisantes à l’émigration du Liban. Cependant, elles le deviennent lorsqu’elles sont combinées par la condition génératrice commune, celle de  l’absence de liberté au pays du Cèdre.
Oui la liberté ! Seule raison d’être du Liban ! La nation libanaise n’a d’autre aspiration que celle-ci, elle n’est pas seulement une réalité objective liée à une géographie et une histoire. Elle est une aspiration permanente à la dignité incarnée par la personne libanaise. Le libanais a montré qu’il pouvait toujours tout sacrifié pour sa patrie, sauf sa dignité et sa liberté. C’est pour cela que nos ancêtres ont décidé, à chaque tournant dramatique de notre histoire, de porter leurs valeurs dans leurs bagages et dans leur cœur, pour aller construire leur Liban de liberté où ils le pouvaient, même dans les petites parcelles de thym, de persil ou de menthe dans leurs nouveaux domaines. Ces produits du terroir, ingrédients nécessaires pour un bon tabbouleh, sont devenus des symboles plantés et cultivés par le libanais dans un jardin protégé de valeurs autrement menacées ou perdues dans sa terre natale. 

Oui nos ancêtres ont quitté l’espace géographique appelé Liban, mais ils n’ont jamais oublié le message qu’il comporte. Au contraire, c’est à travers eux, ici dans la diaspora, dans le monde et tout particulièrement à Montréal, que le Liban toujours libre, pleinement digne, immense comme l’étendu des horizons infinis du Canada, beau et ample comme le Cèdre, a continuer à vibrer comme nulle part ailleurs.
Si nous nous inclinons aujourd’hui devant leur mémoire et leur œuvre, nous nous devons par le même mouvement saluer leur terre d’accueil, Montréal. Dans chaque cœur d’émigré libanais bat  un sentiment profond de reconnaissance et de gratitude envers leur nouveau pays, qui  leur a permis de vivre leur libanité tout en s’intégrant pour devenir partie constituante d’un Québec porteur d’avenir et vecteur de rencontre et de dialogue.
Cette émigration libanaise, enrichie par cette intégration et en dépassement de sa recherche de son propre salut, devient à son tour salutaire. Elle est salutaire pour le Liban toujours à la recherche de paix. Sans l’apport de la diaspora, tant matériel que moral, comme sans cette tension entre le mal-être et le bien-être identitaire au sein de chaque libanais, le Liban serait délaissé au désespoir. Vous, émigrés, êtes le secret de la survie du Liban.
C’est un constat qui tonne comme la conscience.
La diaspora est le salut du Liban. Elle est une partie indivisible de la nation libanaise. Elle est inséparable du peuple libanais. Elle est une condition nécessaire pour l’unité du Liban tout comme l’unité du peuple libanais ou l’unité des valeurs libanaises. Sa continuité, sa préservation, sa dynamisation ne doit souffrir d’aucune circonstance atténuante. Ni les querelles politiques, ni les lenteurs administratives, ou les difficultés économiques ou les carences financières ne doivent retarder l’intégration de notre émigration dans la nation libanaise. Si à cet égard l’Etat ne remplit pas ses obligations à l’égard de la diaspora, alors il exprime son impuissance, perd sa raison d’être, et il sera non seulement en carence mais aussi en complicité contre l’épanouissement de la personnalité libanaise, dans toute sa diversité, contre l’émancipation de l’identité libanaise, dans toute sa pluralité.
La reconnaissance de la spécificité de la diaspora libanaise exige donc que tous les décrets soient pris pour l’application sur le droit de vote des émigrés. La réunion de tous les libanais exige que tous les libanais d’origine s’inscrivent dans les registres pour obtenir la nationalité libanaise. Il ne s’agit que de simples droits que l’Etat est prêt à donner, tel est l’engagement pris et renouvelé par le Président de la République. Nous y œuvrons sans relâche avec toutes les forces politiques libanaises. Tel est notre engagement en tout que gouvernement comme nous l’avions exprimé dans notre déclaration de politique général sur la base de laquelle nous gouvernons. Je vous assure que nous allons tous ensemble y arriver !
Venez donc au Liban, défier la globalisation qui dilue et diffuse, comme vous avez défié autrefois la géographie qui concentre et étouffe. La globalisation peut être une menace de dilution identitaire. Vous pouvez la transformer en opportunité d’investissement intelligent qui contourne l’instabilité politique ou la précarité économique. Venez au Liban trouvez un monde nouveau qui n’a de limite que la dimension du rêve.
En tant que ministre des affaires sociales je vous dis que les orphelins au Liban ont besoin de vous, les handicappés, les personnes vulnérables, les enfants de la rue, les artisans de métier précaire, les pauvres sans filet de sauvetage social, les toxicomanes qui ont besoin d’accompagnement, les personnes âgées sans famille ou soutien. Venez dire votre solidarité. Mais attention vous êtes plus qu’un porte-monnaie ou un tire-lire. Nous voulons que vous contribuiez non à l’aide ou au service social, mais plutôt au développement social du pays. C’est ainsi que vous rendrez nos villes et nos villages plus humaines et plus proches de vous. Nous y croyons vraiment, et nous avons besoin que vous nous croyez. Votre confiance dans notre volonté et notre capacité à conduire ensemble la transformation tant attendue est un capital précieux. Nous sommes sûrs que l’exemple de réussite qui est le vôtre inspirera les générations libanaises à venir. Votre modèle façonnera par le succès et l’éthique l’homme nouveau du Liban.
En contribuant à la renaissance libanaise, vous aurez alors donner un sens nouveau au monde nouveau que nous voulons créer ensemble. Et je vous promets, le Liban reconnaîtra les siens, et il vous le rendra bien.
Vive le Québec,
Vive le Canada,
Vive le Liban !




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