Discours du Ministre Dr. Selim el Sayegh au Canada
L’inauguration de cette belle statue en mémoire de
l’anniversaire des 125 ans d’émigration libanaise au Canada est une fête à
l’honneur de la mémoire et un hymne en hommage à l’espérance. Cette statue convoque
l’histoire et interpelle l’avenir, elle cristallise la tradition et provoque la
modernité. Elancée ainsi vers le ciel, elle montre cette tension permanente animée
par l’aspiration à réinventer tous les jours un devenir meilleur, unissant le
mieux du Canada et le mieux du Liban.
Le passé fut sans doute jalonné par cette volonté d’être
soi-même certes, mais pleinement, comme cette
recherche perpétuelle à être autrement. Le « soi-même »
libanais nous pousse à nous poser la grande question : « pourquoi ? ».
Pourquoi le Libanais devait-il partir à la recherche de soi-même. Etre ailleurs
ainsi pour retrouver le « chez soi » ? Voici donc que le passé
devient autrement d’actualité, et c’est maintenant du coup que nos ancêtres
deviennent plus proches de nous.
Est-ce l’économie ? Quelle forme de misère pouvait
donc pousser le Libanais à quitter son pays plusieurs bibliques, cité par sa
légendaire beauté et sa terre de miel et
de lait, terre de vertus suprêmes, comme terre de commerce et d’ouverture ?
Est-ce l’insécurité ? Quelle intensité pouvait avoir
cette peur pour hanter les cœurs autrement connus par leur infaillible courage,
comme en témoignent Tyr devant Alexandre le Grand, Sidon devant ses
envahisseurs, Beyrouth occupée mais jamais domptée, Kadisha vallée mille fois
sainte habitée par d’irréductibles montagnards, ou encore depuis 1975 où chaque
village du Sud au Nord a écrit une épopée au nom de ses martyrs face à toutes
les formes d’oppression en commençant par l’occupation militaire et en
finissant par le terrorisme intellectuel et politique ?
Est-ce l’ignorance ? Mais comment se fait-il que ce
peuple pétri de foi et de science, donneur de civilisation, inventeur d’alphabet,
créateur de savoir, fut ainsi amené à
rechercher ailleurs ce qu’il produisait déjà depuis des millénaires ?
Ces raisons et sans doute bien d’autres, ont nourri cette
volonté de nos ancêtres de prendre le large. Mais aucune ne peut être
déterminante toute seule. Même toutes ces raisons combinées, la quête du
savoir, l’insécurité ou la misère ne sont suffisantes à l’émigration du Liban. Cependant,
elles le deviennent lorsqu’elles sont combinées par la condition génératrice
commune, celle de l’absence de liberté
au pays du Cèdre.
Oui la liberté ! Seule raison d’être du Liban !
La nation libanaise n’a d’autre aspiration que celle-ci, elle n’est pas
seulement une réalité objective liée à une géographie et une histoire. Elle est
une aspiration permanente à la dignité incarnée par la personne libanaise. Le
libanais a montré qu’il pouvait toujours tout sacrifié pour sa patrie, sauf sa
dignité et sa liberté. C’est pour cela que nos ancêtres ont décidé, à chaque
tournant dramatique de notre histoire, de porter leurs valeurs dans leurs
bagages et dans leur cœur, pour aller construire leur Liban de liberté où ils
le pouvaient, même dans les petites parcelles de thym, de persil ou de menthe
dans leurs nouveaux domaines. Ces produits du terroir, ingrédients nécessaires
pour un bon tabbouleh, sont devenus des symboles plantés et cultivés par le libanais
dans un jardin protégé de valeurs autrement menacées ou perdues dans sa terre
natale.
Oui nos ancêtres ont quitté l’espace géographique appelé
Liban, mais ils n’ont jamais oublié le message qu’il comporte. Au contraire,
c’est à travers eux, ici dans la diaspora, dans le monde et tout
particulièrement à Montréal, que le Liban toujours libre, pleinement digne,
immense comme l’étendu des horizons infinis du Canada, beau et ample comme le
Cèdre, a continuer à vibrer comme nulle part ailleurs.
Si nous nous inclinons aujourd’hui devant leur mémoire et
leur œuvre, nous nous devons par le même mouvement saluer leur terre d’accueil,
Montréal. Dans chaque cœur d’émigré libanais bat un sentiment profond de reconnaissance et de
gratitude envers leur nouveau pays, qui
leur a permis de vivre leur libanité tout en s’intégrant pour devenir
partie constituante d’un Québec porteur d’avenir et vecteur de rencontre et de
dialogue.
Cette émigration libanaise, enrichie par cette
intégration et en dépassement de sa recherche de son propre salut, devient à
son tour salutaire. Elle est salutaire pour le Liban toujours à la recherche de
paix. Sans l’apport de la diaspora, tant matériel que moral, comme sans cette
tension entre le mal-être et le bien-être identitaire au sein de chaque
libanais, le Liban serait délaissé au désespoir. Vous, émigrés, êtes le secret
de la survie du Liban.
C’est un constat qui tonne comme la conscience.
La diaspora est le salut du Liban. Elle est une partie
indivisible de la nation libanaise. Elle est inséparable du peuple libanais.
Elle est une condition nécessaire pour l’unité du Liban tout comme l’unité du
peuple libanais ou l’unité des valeurs libanaises. Sa continuité, sa
préservation, sa dynamisation ne doit souffrir d’aucune circonstance atténuante.
Ni les querelles politiques, ni les lenteurs administratives, ou les
difficultés économiques ou les carences financières ne doivent retarder
l’intégration de notre émigration dans la nation libanaise. Si à cet égard l’Etat
ne remplit pas ses obligations à l’égard de la diaspora, alors il exprime son
impuissance, perd sa raison d’être, et il sera non seulement en carence mais
aussi en complicité contre l’épanouissement de la personnalité libanaise, dans
toute sa diversité, contre l’émancipation de l’identité libanaise, dans toute
sa pluralité.
La reconnaissance de la spécificité de la diaspora
libanaise exige donc que tous les décrets soient pris pour l’application sur le
droit de vote des émigrés. La réunion de tous les libanais exige que tous les libanais
d’origine s’inscrivent dans les registres pour obtenir la nationalité
libanaise. Il ne s’agit que de simples droits que l’Etat est prêt à donner, tel
est l’engagement pris et renouvelé par le Président de la République. Nous y
œuvrons sans relâche avec toutes les forces politiques libanaises. Tel est
notre engagement en tout que gouvernement comme nous l’avions exprimé dans
notre déclaration de politique général sur la base de laquelle nous gouvernons.
Je vous assure que nous allons tous ensemble y arriver !
Venez donc au Liban, défier la globalisation qui dilue et
diffuse, comme vous avez défié autrefois la géographie qui concentre et
étouffe. La globalisation peut être une menace de dilution identitaire. Vous
pouvez la transformer en opportunité d’investissement intelligent qui contourne
l’instabilité politique ou la précarité économique. Venez au Liban trouvez un
monde nouveau qui n’a de limite que la dimension du rêve.
En tant que ministre des affaires sociales je vous dis
que les orphelins au Liban ont besoin de vous, les handicappés, les personnes
vulnérables, les enfants de la rue, les artisans de métier précaire, les
pauvres sans filet de sauvetage social, les toxicomanes qui ont besoin
d’accompagnement, les personnes âgées sans famille ou soutien. Venez dire votre
solidarité. Mais attention vous êtes plus qu’un porte-monnaie ou un tire-lire.
Nous voulons que vous contribuiez non à l’aide ou au service social, mais
plutôt au développement social du pays. C’est ainsi que vous rendrez nos villes
et nos villages plus humaines et plus proches de vous. Nous y croyons vraiment,
et nous avons besoin que vous nous croyez. Votre confiance dans notre volonté
et notre capacité à conduire ensemble la transformation tant attendue est un
capital précieux. Nous sommes sûrs que l’exemple de réussite qui est le vôtre
inspirera les générations libanaises à venir. Votre modèle façonnera par le
succès et l’éthique l’homme nouveau du Liban.
En contribuant à la renaissance libanaise, vous aurez
alors donner un sens nouveau au monde nouveau que nous voulons créer ensemble.
Et je vous promets, le Liban reconnaîtra les siens, et il vous le rendra bien.
Vive le Québec,
Vive le Canada,
Vive le Liban !
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