Magazine
30-08-2010
Salim
El Sayegh, calme, détermination, et charisme
Il a le charme et l’assurance tranquilles de ceux qui
ont travaillé dur pour arriver. Aucune arrogance chez cet homme au regard rieur
et sérieux à la fois : son poste de ministre n’a en rien chamboulé la
personnalité de Salim El Sayegh. Simple, sympathique, travailleur et sans
fioritures. C’est un homme dont on devine l’élégance toute naturelle qui a reçu
l’équipe de Magazine dans son bureau, au Ministère des affaires sociales.
Nous
interrompons une séance de travail entre le ministre et ses conseillers :
à l’ordre du jour, une réponse doit être peaufinée au plus vite, destinée à
l’un des adversaires politiques. Le texte sera incisif, sans être
virulent ; clair, mais dans le respect de l’autre. Représentatif du
personnage en somme…
D’emblée,
Salim El Sayegh annonce la couleur de l’entrevue : « je suis un
carnet ouvert ! » Quand on lui demande de parler un peu de son
enfance, de son milieu, on devine tout de suite deux choses essentielles :
d’abord un immense respect pour le père, et ensuite une tendresse sans bornes
pour celle qu’il appelle encore aujourd’hui « maman ». Sayegh raconte
être né le 31 janvier 1961 au sein d’une famille « appartenant à la classe
moyenne ». Son père, l’un des bâtisseurs du parti Kataeb, avec Pierre
Gemayel, était d’abord parti de rien. Ayant dû abandonner l’école pour subvenir
aux besoins de ses 7 frères et sœurs, le père du ministre a fini tout de même
par diriger une société commerciale. Salim, mais aussi son frère Joseph et sa
sœur Marie, ont ainsi été élevés à la dure, dans le respect des valeurs et du
travail. Quand, par exemple, le jeune Salim réclamait de l’argent de poche pour
aller danser en week-end, il s’entendait dire qu’il fallait encore mériter ses
sous.
Un
grand sportif
Aussi
a-t-il souvent, entre autres travaux, labouré les terrains des voisins, dans la
montagne dont la famille est originaire, à Hayata. De quoi former notre
ministre, dès le plus jeune âge, à l’idée que rien dans la vie n’est acquis, et
que les cadeaux ne sont pas légion. De sa mère, toujours en vie, qui avait,
avant de se marier, monté un petit atelier de couture, Sayegh parle avec
émotion. Du plus loin qu’il s’en souvienne, l’image maternelle est celle de la
dévotion, du sacrifice. Lors de la crise du dollar des années 80, elle avait
même proposé de vendre ses bijoux pour que son fils puisse continuer ses
études… Ce que Salim ne lui laissera pas l’occasion de faire, puisque cet
étudiant brillant a fini par obtenir une bourse.
Cet
ancien élève de l’école Italienne et de Notre Dame de Louaize a en effet tout
du parcours d’un premier de classe. Il a ainsi cumulé des diplômes de droit, de
sciences po, de gestion, d’histoire, et, pour finir, un Doctorat de droit
international public. La question qui nous brûle les lèves amuse le ministre
sans pour autant l’étonner : pourquoi tout cela ? « Il fallait
que je trouve ma vocation… Je sentais que j’avais un potentiel dans les études.
Et je pense qu’il faut essayer de se dépasser pour mieux aller vers les autres. »
Mais attention ! Il ne faut pas s’imaginer le futur ministre reclus dans
sa chambre, plongé entre ses manuels… Comme on peut aisément l’imaginer vu sa
stature et son allure actuelles, il a toujours été aussi un grand sportif, pratiquant
la natation, la marche, la course, mais aussi et surtout le basket-ball. Il a
même fait partie de l’équipe nationale !
Le
défoulement par le sport n’empêche pas notre homme de montrer, très jeune, une
aptitude à se battre vaillamment pour la bonne cause. Il a ainsi instigué un
« mai 78 », quand, le printemps de cette année-là, celui qui est
encore en classe de maths élémentaires réussit à mobiliser 50000 élèves et
parents pour protester contre une hausse des écolages en milieu d’année. Du
haut de ses 17 ans, il obtient gain de cause : l’augmentation est ajournée
au moins jusqu’à la rentrée prochaine…
« Paix
et justice sont mon credo »
De
la révolte, le jeune partisan des Kataeb en exprimera aussi à ses parents, qui
refusaient qu’il porte les armes. Il n’avait encore que 14 ans, mais un sens
poussé du patriotisme. Sa région (à l’époque Ain el Remmaneh) étant la
poudrière que l’on sait, l’adolescent exigeait de ses parents qu’ils dépassent
leurs peurs en lui permettant le port des armes, pour que lui aussi participe à
la protection des siens. Engagé dans la lutte pour les libertés, Salim El
Sayegh l’a pratiquement toujours été, et il dit aujourd’hui être très fier de
son background, d’être issu de la lutte de tout un peuple en quête de
démocratie : « paix et justice sont mon credo. J’ai toujours ressenti
en moi une obligation de résistance à l’oppression. » Ce lecteur assidu de
Karl Marx, mais aussi de Gebran Khalil Gebran, ce supporter du Che, a encore
une autre qualité, due à l’environnement dans lequel il a grandi. Salim El
Sayegh a depuis toujours appris à respecter et aimer les autres, c’est-à-dire
ceux qui avaient d’autres valeurs, d’autres idéaux que lui. Né à Zarif, grandi
à Ain El Remmaneh puis au Kesrwan, le ministre actuel des affaires sociales a
été éduqué dans l’idée d’ouverture vers autrui… Ses très nombreux voyages
professionnels, à travers le monde, et sa spécialisation dans la résolution des
conflits, font de lui un homme de compromis, de dialogue. Un homme prêt à
discuter de tous les sujets qui fâchent, dans le calme et le respect, avec une
seule ligne rouge : jamais de compromis sur la dignité.
Sur
le plan affectif, la vie privée du ministre Kataeb lui ressemble : solide.
De son épouse Jinane, le ministre est fier de dire qu’elle a toujours été à ses
côtés, qu’elle a depuis tout temps cru en la passion qui animait son mari. Elle
l’a très souvent accompagné quand il travaillait jusqu’à 6 mois par an à
travers le monde. En effet, le ministre est encore aujourd’hui, jusqu’à 2011,
professeur dans plusieurs universités en France, et, à ce titre, il a très
souvent été envoyé en mission. De la Chine où il planchait sur des projets de
développement, au Mexique où il a fait de la médiation dans les zones rurales,
en passant par le Bengladesh, le Vietnam, les Etats-Unis ou l’Europe, Salim El
Sayegh a été un vrai globe trotter ! Toujours soutenu par la femme de sa
vie. Elle-même est artiste-peintre, et a travaillé pendant 10 ans au Louvre, à
Paris. Leur fils Pierre, 17 ans, semble avoir hérité de la précocité de son
père et du sens artistique de sa mère : il a déjà à son actif la
publication d’un recueil de poèmes, et le prix de la littérature française dans
les écoles secondaires ! Quant à Rachelle, tout juste 6 ans, c’est le
« bout-chou » de son papa. Si elle a un net penchant pour le théâtre
et sait se montrer imbattable dans les imitations, elle sait déjà ce qu’elle
veut être quand elle sera grande : ministre ! Ben voyons…
Ce qu’il en pense
- La
question des droits sociaux des palestiniens : « Ils sont fondés sur
la Charte des droits de l’Homme et sur toutes les conventions internationales.
L’homme a des droits inaliénables, tels celui de se nourrir, de se marier, de
travailler, d’étudier, etc. Or, à mon avis, le premier des droits sacrés des
palestiniens est celui du retour à leurs terres, ainsi qu’à une identité. Il ne
faut pas utiliser, travestir, les droits sociaux des palestiniens, pour essayer
de contrer le droit de retour. La communauté internationale a sa part de
responsabilité à l’intérieur des camps, et elle doit la supporter. Même
l’amélioration de leurs conditions de vie doit rester du ressort de la
communauté internationale… »
-
L’avenir du parti Kataeb : « le parti est en train de se redresser et
de se réinventer. Nous allions modernité et tradition : nous sommes un
parti démocratique, avec un mécanisme de consultation partisan… Quant à notre
présence sur le terrain, je pense que les élections municipales ont bien
démontre que nous sommes ancrés dans le paysage politique national. Notre
grand défi actuellement est de résoudre le paradoxe entre modernité et
tradition…»
- Le
budget alloué au ministère des affaires sociales : « 138 milliards de
livres… J’avais demandé le double. On m’a promis de redresser les choses pour
2011. Mais cela reste très insuffisant : à peu près 30% de la population
libanaise est en-dessous du seuil de la pauvreté, et 8%vivent dans la
misère ! »
Le parti dans la peau
Dès
l’adolescence, probablement influencé par son père, qui a joué un rôle de
taille dans le parti Kataeb, Salim El Sayegh est un membre actif du parti. Ses
luttes sont les siennes, ses idéaux aussi.
Même
le décès brutal du grand leader Bachir Gemayel, en 1982, ne décourage pas
Sayegh. Malgré le choc occasionné par la perte du Président de la République, le
ministre raconte que son affliction ne l’a jamais empêché de croire en sa
cause, celle d’un Liban libre et démocratique. Le ministre explique que
l’histoire du parti ne peut pas être incarnée par une personne, quelle qu’elle
soit, et que les ressources des Kataeb sont inépuisables. C’est l’intérêt
supérieur de la nation qui doit rester le moteur principal de toute démarche
entreprise… Nous relevons cette phrase du ministre, qui résume bien son
engagement : « l’action nourrit l’espérance. »
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