dimanche 23 mars 2014

L'Orient le Jour (09-01-2010)

La lutte contre la pauvreté, cheval de bataille de Sélim Sayegh
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L’Orient Le Jour | 09/01/2010

Le ministre des Affaires sociales, Sélim Sayegh, voudrait faire de son ministère un ministère du développement social. Parmi ses priorités, la lutte contre la pauvreté, le respect des droits de la femme et de l'enfant, l'assistance aux handicapés et aux personnes âgées... dans le cadre d'une politique nationale du développement social.


D'importants défis attendent aujourd'hui le nouveau ministre des Affaires sociales, Sélim Sayegh. Le principal étant la mise en place d'une stratégie globale de développement social. Un « chantier énorme et fabuleux », comme le décrit le ministre, vice-président du parti Kataëb, conscient de devoir faire preuve d'une grande créativité, mais nullement effrayé par la tâche qui l'attend, quitte à bousculer un peu les tabous et à s'attaquer aux sujets sensibles.
Prioritaire parmi les priorités, l'assistance aux personnes en situation d'extrême pauvreté (qui ont un revenu de moins de 2,4 dollars par jour et par personne), au niveau de la nourriture, de la vie quotidienne, du chauffage en hiver et de la scolarisation. Si aucune statistique scientifique ne permet d'identifier cette tranche de la population, le ministre estime que 5 à 6 % de la population vit dans une situation d'extrême pauvreté au Liban. « Notre objectif à court terme est d'élever ces personnes au rang de la pauvreté absolue (personnes vivant avec moins de 4 dollars par jour), une couche à laquelle appartient environ 30 % de la population libanaise », explique-t-il. Sélim Sayegh précise que le ministère a mis en place un programme avec la Banque mondiale basé sur le ciblage et la lutte contre la pauvreté, dans le but de construire une banque nationale de données sur la situation de l'ensemble des personnes défavorisées dans le pays. Identifier ces personnes qui « survivent en marge de la société » pour pouvoir leur porter assistance « est une priorité nationale absolue », estime M. Sayegh. Le programme en est aujourd'hui à sa deuxième phase : un projet-pilote est en place dans trois quartiers de Beyrouth, Aïn el-Remmaneh, Chiyah et Tarik Jdideh. Il devrait être généralisé une fois les conclusions tirées. À long terme, le ministre veut également faire de la lutte contre la pauvreté son cheval de bataille. « La pauvreté unit les gens. Je voudrais que la lutte contre la pauvreté unisse les hommes politiques », espère-t-il. Et d'affirmer que le Liban s'inscrit dans la logique mondiale du millénaire pour le développement, qui envisage d'éradiquer 50 % de la pauvreté dans le monde en 2015. « Logique qui est aussi dans le cadre de Paris III », souligne le ministre, observant que « tout développement financier ou économique doit avoir un impact social ».


 Pour une discrimination positive à l'égard de la femme
Figurent également parmi les priorités du ministre les dossiers liés à la femme et l'enfant. « Une initiative nationale devrait être lancée incessamment à ce niveau, programmes budgétisés à l'appui, pour concrétiser notre volonté de traduire les textes en actes », soutient le ministre Sayegh. Les programmes concernant l'enfance consistent aussi bien dans des campagnes de sensibilisation aux droits de l'enfance, que dans la mise en place d'une ligne verte (hotline) à l'intention des jeunes victimes de maltraitance, ou l'aménagement de cités amies des enfants et garderies avec la coopération des municipalités, note Sélim Sayegh. Quant aux femmes, catégorie marginalisée de la société libanaise, selon le ministre, un programme de 700 000 dollars sera lancé au cours de ce premier trimestre de 2010, pour leur autonomisation dans le domaine politique. « La femme doit participer activement à la gestion et à la décision dans la chose publique », insiste M. Sayegh, qualifiant d'« archaïque » la maigre représentation féminine au Parlement libanais. Le ministre estime important que la législation accompagne ce processus, se prononçant en faveur d'une « discrimination positive » pour permettre aux femmes de participer à la chose publique. « Le fait que ce débat soit posé prouve que nous sommes au cœur de la modernité », observe-t-il à ce propos.
Le dossier des enfants des rues et des petits mendiants nécessite également une attention toute particulière, indique Sélim Sayegh. Mais jusque-là, aucun programme n'a été mis en place par le ministère pour régler un problème dont il ignore l'ampleur. « Nous avons des contrats avec des institutions, nous sommes toutefois conscients de la nécessité de renforcer ce dispositif qui restera insuffisant », observe le ministre. C'est pourquoi il réfléchit à une prise en charge alternative, qui consisterait à confier des enfants des rues à des familles d'accueil. « Un procédé toutefois interdit par la loi », affirme-t-il, constatant que la législation est insuffisante pour s'occuper des enfants livrés à eux-mêmes. Conscient de la complexité du dossier, Sélim Sayegh insiste sur la nécessité de traiter ce problème par le biais d'un comité interministériel qui en définisse les contours. « Il s'agit là non seulement d'un problème de négligence parentale et de travail forcé des enfants, mais aussi d'un problème de trafic humain et d'immigration clandestine, donc de sécurité », note-t-il, précisant qu'en tant que ministre des Affaires sociales, il ne peut s'occuper que d'une infime partie du dossier.

Droits de l'enfant indivisibles
Sélim Sayegh évoque, de plus, le travail forcé des enfants, un dossier qu'il juge directement lié au caractère obligatoire de l'enseignement : « Lorsqu'on imposera l'enseignement obligatoire au Liban, on éliminera le travail forcé des enfants. » Le ministre Sayegh refuse catégoriquement que soient bafoués les droits de l'enfant au nom de la solidarité familiale, de l'intérêt collectif ou du relativisme culturel. Il fait allusion aux enfants travaillant dans l'exploitation familiale, agricole ou autre, ainsi que les enfants employés ici ou là dans des garages pour arrondir les fins de mois de leurs parents. « Les droits de l'enfant sont indivisibles », dit-il, ajoutant qu' « il existe au Liban une nouvelle forme d'esclavagisme qu'il ne faut pas accepter ». Le ministère des Affaires sociales se penche également sur le problème du décrochage scolaire, intimement lié au travail forcé des enfants. « Nous sommes engagés auprès d'associations qui œuvrent à la réinsertion des enfants dans le cursus scolaire, et entendons renforcer ce partenariat », affirme M. Sayegh.
Réfléchir à des politiques nationales pour les handicapés, pour les personnes âgées, pour la lutte contre la toxicomanie et contre l'analphabétisme est également jugé prioritaire par le ministre des Affaires sociales. Ce dernier note, par ailleurs, l'importance qu'il accorde à la santé reproductive et à l'habitat. Il insiste à ce sujet sur la nécessité pour son ministère d'évoluer d'une stratégie individuelle à une stratégie nationale de l'habitat au Liban, qui aurait pour objectif le développement rural. « Le ministère a réussi dans le domaine de l'habitat par le biais de l'Établissement public pour l'habitat », tient-il à souligner, tout en estimant qu'il est temps de passer à une étape supérieure.
Réaliser ces objectifs requiert la mise en place d'une politique sociale et l'élaboration d'une cartographie sociale, sur l'ensemble du pays. Car la répartition des services et de l'assistance délivrés par les associations qui collaborent avec le ministère ne répond toujours à aucun critère. « Certains villages ont plusieurs dispensaires, alors que d'autres n'en ont aucun », déplore M. Sayegh à titre d'exemple. Le ministère des Affaires sociales envisage donc de restructurer et de redéfinir les normes de son partenariat avec les associations. « Nous travaillons sur un projet d'accréditation des associations et de remise à niveau par le biais de formations diplomantes », indique-t-il, observant que 170 centres de développement social répartis sur l'ensemble du territoire dépendent directement de son ministère.
Permettre aux Libanais de vivre, mais surtout de vivre autrement, et faire de son ministère un ministère du développement social, l'objectif de Sélim Sayegh est audacieux, car la tâche est énorme et ardue, compte tenu des nombreux écueils auxquels il ne manquera pas de se heurter.


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