dimanche 23 mars 2014

TF 1 - 2007

Interview de Dr. Sélim el-Sayegh à TF1


- Pourquoi la part des chrétiens dans l’émigration libanaise est importante ?
Les chrétiens sont connus par leur multilinguisme, ils ont certaines qualités d’enseignement et s’intègrent facilement à l’étranger. De plus, les régions qui ont été les plus touchées pendant la guerre libanaise (1975-1990) sont les régions chrétiennes.

- Après 1976, quand le pays est entré dans un paix syrienne, le cœur de Beyrouth a continué à se révolter contre les syriens en 1978, 1979, 1980 jusqu’à 1982 et donc l’émigration massive s’est faite de la cité vers d’autres pays.
- Ensuite, il faut dire qu’il y a eu une main mise au Liban- Sud du fondamentalisme (Sud et Bekaa) qui a fait craindre aux chrétiens une certaine hégémonie culturelle contre leur symbole, contre leur valeur.

- Alors que dans la pratique le Hezbollah n’a pas du tout visé à toucher les autres communautés (non chiites), mais dans les faits, il y a eu une psychose, une certaine ambiance qui a fait que les chrétiens ont senti qu’ils sont touchés, affaiblis, forcés à coexister avec des valeurs avec lesquelles ils n’ont jamais eu l’habitude de coexister comme les valeurs fondamentalistes, alors que le Liban était connu par la convivialité, la coexistence, les gens vivaient ensemble, célébraient leurs fêtes ensemble…et avec la montée du fondamentalisme il y a eu une séparation culturelle de plus en plus profonde qui a fait que les chrétiens ont commencé à penser que peut être ce pays n’est pas leur destination finale.

- Les chrétiens historiquement sont des gens de la montagne, qui ont immigrés au Liban de tout le pourtour méditerranéen, de l’intérieur de la région arabe qui se sont réfugiés dans la montagne au nom de la liberté.

-Quand ils voyaient que leur liberté d’expression, d’action était limitée, le seul choix qu’ils faisaient entre leur terre et le monde était le choix de la liberté. Ils partaient là où ils voyaient qu’ils pouvaient vivre libres, et c’est un peu leur destinée.

- Même après le départ des syriens, l’émigration continue, voire la déception aujourd’hui est d’autant plus grande parce qu’on a cru qu’avec l’ « Intifada » ou la « Révolution du Cèdre » de mars 2005, tout le monde allait se retrouver sur les mêmes termes : donc la libération du pays, l’indépendance, le Liban d’abord…

- Nous avons vu rapidement que la Syrie et ses alliés internes ont pu réagir en voulant montrer à la communauté Internationale que le Liban ne peut pas rester stable sans un certain arbitrage, une certaine influence exercée à partir de la Syrie.
- Et donc le Liban n’a pas encore connu la véritable paix civile, n’a pas connu la stabilité à l’intérieur de ses frontières.

- Il y a eu en un sentiment chez toutes les communautés finalement que le Liban n’est pas le cadre idéal dans lequel peuvent vivre
- Pourquoi les chrétiens ont été encore une fois touchés? Parce qu’il y a eu ce problème encore que le meilleur allié de la Syrie c’est le Hezbollah. Le Hezbollah dont l’idéologie, dont la pratique, tourne autour des valeurs fondamentalistes.

- Avec la croissance démographique des chiites au Liban qui avoisine 30% les chiffres donnent que cette communauté va être bientôt la communauté majoritaire et c’est une communauté qui se radicalise et qui est influencée largement par une puissance qui ne veut pas la stabilité du Liban.

 - Dans cette conjoncture, les chrétiens ont peur. Soit, ils se rabattent à l’intérieur des terres, ils se fortifient, ils développent encore une fois ce complexe de guettoïsme et soit, et c’es la majorité d’entre eux qui décide d’opter pour d’autres choix, c'est-à-dire la non confrontation, la liberté, partir et c’est pour cette raison qu’une grande partie des chrétiens du Liban se prépare à partir.

- Selon les chiffres dont nous disposons, si la situation se stabilise aujourd’hui, si aujourd’hui le Liban retrouve la paix, une paix éphémère, sans guerre, les chrétiens en 2030 ne seront pas plus que 25% de la population alors qu’ils sont selon les recensements que nous disposons entre 40 et 45%. Sachant qu’on n’a pas un recensement officiel au Liban ; en 2080 c’est prévu q’ils seront de 5%.
- S’il n’y a pas un véritable acte de foi dans ce pays qui va contribuer à ce que les chrétiens cessent de partir et ceux qui sont à l’étranger qu’ils reviennent pour réinvestir dans le pays, le Liban sera vidé de sa communauté chrétienne.

- En Irak, on a témoigné d’un grand exode chrétien avec tout le silence international.
- Quand on parle de chrétiens au Liban, on ne peut pas parler simplement d’une communauté religieuse, on parle d’une communauté culturelle, qui est la plus proche ancrée aux valeurs universelles, les valeurs de la civilisation autour desquelles tournent aujourd’hui l’occident et tout ce qu’il représente.

- Sans les chrétiens, il n’y a plus de Liban, il n’y a plus d’identité libanaise et le Liban sera encore un autre pays comme tant d’autres, qui n’a aucune valeur, aucune utilité, aucun message à donner et c’est pour cette raison que je tiens à dire que c’est la dernière communauté chrétienne qui peut s’exprimer encore au Moyen-Orient. Sans les chrétiens au Liban, il n’y a plus de chrétiens derrière.
- Le président de la République au Liban, est un président maronite. Et donc avoir un président fort, qui a une colonne vertébrale et qui sait donner confiance aux chrétiens d’abord et à l’ensemble des libanais, qui sait rassurer la communauté internationale que le Liban n’est pas un Etat qui est capable d’entrer en relation diplomatiques saines avec son environnement et avec la communauté internationale est un président qui donnera une véritable chance pour retrouver dans ce pays un début d’espoir. Sans un tel président, je crois que le mouvement d’émigration des chrétiens du Liban va s’accélérer.
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